Minoens - Mycéniens

Les navires d'Akrotiri

( Ile de Théra)

 

Fresque aux navires d'Akrotiri (vers 1500 av. J.-C.). (Musée National d'Athènes; d'après S. Marinatos, Das Schiffsfresko von Thera, in : D. Gray, Seewesen, Archaeologica Homerica, Göttingen, 1974, ). L. Basch, n° 232-271.

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L'île de Théra fut anéantie vers 1500 av. J.-C. par l'explosion du volcan situé en son coeur, ne laissant subsister qu'un anneau fragmenté couvert de couches de lave et de pierre ponce. Les fouilles menées par S. Marinatos à Théra à Akrotiri, au sud de l'île de Théra, ont peut-être mis au jour la capitale de l'île à l'Age de Bronze. Les habitations abandonnées par ses habitants avant la catastrophe, avaient été en grande partie conservées par leur ensevelissement sous la pierre ponce.

Les fouilleurs ont découvert une fresque représentant de nombreux navires dans la Maison de l'Ouest, plus exactement dans salle de séjour (n°5). La chambre à coucher (n°4) a révélé une fresque dont le motif (représentant un cabine : cf. ci-dessous) est représenté à 7 ou 8 reprises, plus ou moins complètement.

Cette fresque a été découverte en 1972, datée de 1500 av. J.-C. grace aux céramiques qui y étaient associées. Laissant archéologues et historiens émerveillés et enthousiastes, parfois perplexes, elle éclaire nos connaissances sur les embarcations égéennes. Elle se trouvait dans la salle de séjour de la maison de l'ouest qui comportait également d'autres fresques :
- un paysage de végétation subtropical, centré autour d'un fleuve, aux berges couvertes d'arbustes et de palmiers, avec au loin le désert. La végétation devient méditerranéenne à l'une des extrémités (on y voit des chênes, des pins et un lion poursuivant un troupeau de cerfs).
- une ville au bord d'un littoral rocheux, avec des navires accostant à son port. L'un des navires est endommagé. La ville semble sur le point d'être prise par des guerriers égéens (ils portent le bouclier rectangulaire et des casques à dents de sangliers).
Dans la chambre, une représentation grandeur nature de la cabine reproduit plusieurs fois le même décor, comportant des fleurs de lys, le hiéroglyphe ouaz (tige de papyrus, emblème de Bouto en Basse Egypte)

Ces fresques étaient donc en évidence lorsqu'il recevait. Toutes exposent un sujet maritime. Le personnage qui habitait cette maison a donc voulu représenter délibérément des scènes le mettant en valeur, voire racontant ses exploits.

Avant de détailler les navires, cherchons les placer dans leur contexte. Le fleuve et sa végétation fond penser bien sûr à la vallée du Nil (même si l'un des hommes tombés à l'eau ressemble à un libyen). Or à la date de la réalisation de la fresque, vers 1500 av. J.-C., le pharaon est Aménophis Ier ou Thoutmosis Ier. Aménophis a succèdé à son père qui a chassé les Kyksos, et doit consolider son trone en s'affirmant en Egypte même et jusqu'en Nubie. Quant à Thoutmosis, il mène campagne tant en Nubie qu'au Moyen Orient, jusqu'à l'Euphrate. Leurs successeurs immédiats ne semblent pas avoir entrepris de grandes expéditions militaires.

L'Egypte a donc retrouvé sa force et son influence. Théra, même isolée sur son île, devait bien composé avec cette réalité.

 

détails : les navires

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La forme générale des coques est du type des navires en croissant apparaissant sur les sceaux minoens. Une projection triangulaire orne singulièrement la poupe des plus grands navires.

Le seul navire comportant une voile a été fort recomposé par les restaurateurs. Mais l'existence de 2 vergues suspendue à un mat est assurée. Les navires complets montrent une fixation d'anneaux au sommet des mats, dans lesquels passaient les balancines. Ces anneaux ne sont pas concentrés en un point, mais répartis à distance régulière sur le mat, habitude tant crétoise qu'égyptienne.
La petite cabine arrière totalement restituée, d'ailleurs difficle à placer dans espace si petit, ne semble pas opportune.

L'immense beaupré sur tous ces navires est cependant totalement minoen. Ils n'ont aucun rôle fonctionnel, mais servent de support à des ornements : oiseau, papillons, fleurs. Ils devaient être amovibles, car leur faible épaisseur les rend fragiles par vent violent. D'ailleurs l'ensemble des ornement visibles ici ne se conçoivent que par beau temps et pour la parade. Il est fort peu probable qu'ils aient navigué ainsi décorés en pleine mer.

La décoration des navires s'inspire largement de motifs égyptiens : un lion dans l'attitude du galop volant à l'arrière de la cabine du vaisseau amiral, les peintures de la coque (habitude contemporaine en Egypte).

L. Basch identifiait une propulsion par des pagayeurs, et non par des rameurs. Mais il notait bien son étonnement. D'ailleurs l'orientation de toutes les rames est identique. Je pense donc que les navires de cette fresque sont tous munis de rames, comme c'est évident pour le petit navire proche de la ville de gauche. C'est également le seul qui nous montre les rameurs, alors que les autres nous montrent des personnages de haut rang sous des abrit, d'ailleurs orientés dans les deux sens, se faisant souvent face par compartiment. Les rameurs sont dans la coque, donc invisibles.

 

détails : les barques

On distingue au centre de ces 2 navires, ainsi que sur celui muni d'une voile, d'une fargue en toilecertainement de couleur rouge. Elle servait à protéger la partie centrale en surélevant le plat-bord. Certaines barques contemporaines sont encore munies de ce dispositif, lui aussi fréquemment de couleur rouge.

 

détails : les gouvernails et les dérives

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Les timoniers étaient des gens importants. Leur tâche était difficile et délicate. Généralement représentés assis, ils sont ici debouts, très élégants, mais d'une non-chalance appuyée. Or la rame-gouvernail avec un seul point d'appui exigeait une force musculaire énorme pour un rendement médiocre. Mais on connait des navires égyptiens du Moyen et du nouvel Empire équipés d'un matereau servant de second support au gouvernail, allégeant d'autant les contraintes physiques. Du même coup, on pouvait alors diminuer leur nombre car leur rendement était accru. C'est ainsi qu'un seul timonier dirige chaque navire.

La projection derrière la poupe est totalement inconnue en Egypte. Elle se situe sous le niveau de l'eau et ne concerne que les plus grands navires. C'est en fait un dérive, assurant le rôle habituellement jouer par la quille. Ces grands navires en forme de croissant (de 25 à 30 m) seraient devenu bien moins maniables que leurs petits frères. La recherche d'un navire de haute mer de grande taille amenait à tester plusieurs solutions. Celle adoptée sur ces navires n'a pas dû être retenue longtemps, elle a laissé sa place aux "vaisseaux longs" à longue quille droite.

Car cette dérive de poupe semble plaquée à l'arrière du navire. Il repose en effet sur 2 longerons, qui ne sont pas le prolongement d'éléments structuraux. Toutefois le procédé semble avoir survécu jusqu'aux IIe siècle av. J.-C. où il est représenté sur des monnaies d'une région de la Macédoine occupée par les Bottiens.

 

 

détails : les cabines

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Les cabines de poupe sont une création minoenne. Elles servent ici pour un personnage seul, peut-être pour isoler le commandant dans une solitude majestueuse.

 

Cabine de navire provenant de la fresque de la chambre n°4 de la Maison de l'Ouest (B. Marinatos, Excavations at Thera, V, Athènes, 1972, p.42, fig.6). Le motif est représenté 7 à 8 soir plus ou moins complètement. Il mesure 183 cm de haut sur 101 de large

détails : un combat naval ?

Ces 2 proues de navires sont issues d'une fresque peinte sur l'un des murs de la même pièce que la grande fresque. Le soldat se tenant à la proue dispose d'un longue lance (la xusta naumacha évoque deux fois au chant XV de l'Illiade, aux vers 387 et 677). Celle-ci mesure au moins deux fois la taille humaine. Homère parlait des Grecs "montant sur les vaisseaux noirs, combattant de la-haut avec les longues lances qui se trouvent à bord, lances bien assemblées, aux extrémités revêtues de bronze". Ajax maniplait quant à lui une longue lance de 22 coudées (9,77 m), mais Ajax est un héros...

Sur le navire du bas on distingue son beaupré cassé, à la suite d'un combat ou de la chute d'un homme ? Le mauvais état de cette fresque ne permet pas de répondre.

 

La fresque représente donc une flotte égéenne au service de Pharaon. Le propriétaire de la maison de l'Ouest en serait le commandant. D'origine d'égyptienne, il fait représenter les navires de Théra décorés comme les navires égyptiens. La fresque illustre une opération de razzia contre une ville ennemie du Levant ou de Libye.

 

en savoir plus : Musée national d'Athènes