Rome Impériale

 

L'Album de la corporation des Fabri navales
(charpentiers de marine)
d'Ostie et/ou du Portus

 

corpus fabrum navalium...[quibus] ex [s(enatus)] c(onsulto) coire licet retrouvé au Portus
( fin du IIe s. ap. J.-C. )
CIL XIV, 256

 

Introduction

 

Dans la société romaine, les corps de métiers étaient regroupés dans des corporations professionnelles. Ces collèges répondaient à un besoin de reconnaissance sociale et d'entraide des artisans. En effet, dans le monde antique, l'ouvrier, le commerçant, le travailleur en général, riches ou non, étaient méprisés à cause du fait qu'ils n'avaient que leur métier pour vivre, et de leur condition sociale modeste (affranchis, pérégrins, ...). Le vieil adage selon lequel l'union fait la force n'étant pas un vain mot, l'association en corporations (ou collèges, corpus en latin) permettait de donner du poids à leurs revendications auprès de l'administration impériale (pour obtenir par exemple la confirmation d'avantages fiscaux) - surtout lorsque le corpus était soutenu par un ou plusieurs patron(s) puissant(s) - ainsi qu'une certaine considération sociale, et ce d'autant plus que le collège rassemblait un corps de métier indispensable à la vie sociale, politique ou économique de la société. C'était le cas des charpentiers de marine, les fabri navales: un empire aussi vaste n'aurait en effet pu se passer de voies maritimes - et donc de navires - pour assurer sa cohésion politique et économique: on sait l'importance qu'a pris l'annone dans la Rome impériale.

Les fabri navales formaient ainsi de puissantes corporations à Pise, à Ravenne, à Catane, à Arles et surtout au Portus et à Ostie. La chance a voulu que parvienne jusqu'à nous un album collégial complet d'un corpus de charpentiers navals, retrouvé au Portus et décrit dans le CIL XIV, 256. Cet album, daté de la fin du deuxième siècle après Jésus-Christ, comporte la liste de tous les membres du collège. Il est une mine d'informations exceptionnelle tant pour l'étude de la structure interne et du fonctionnement du corpus d'un grand corps de métier romain, que pour tenter de faire une étude sociale des charpentiers navals, aspect souvent négligé par les travaux sur la marine antique dont beaucoup se focalisent sur les questions techniques de la construction des navires.

Le tableau qui suit reproduit cette liste collégiale en précisant l'origine géographique des noms. Cela nous permettra, après avoir précisé un point important sur l'origine de cet album et après en avoir étudié la structure hiérarchique et le mode de fonctionnement, d'en faire une analyse onomastique et d'en tirer des enseignements quant à l'origine sociale et géographique des charpentiers de marine de la région d'Ostie au deuxième siècle de notre ère.

 

Gilles Brule